Quelques mots sur mon grand-père.
Je ne sais pas si c’était notre première rencontre mais c’est le premier souvenir que j’en ai.
Mon père venait de me briefer : je devais parler avec mon grand-père. « C’est Papi Claude
au téléphone », il me dit. Grave erreur. A l’autre bout du combiné, alors que je venais de le
saluer, il me rappelle à l’ordre m’indiquant que c’était « Claude seulement ».
Au premier abord il me parut comme quelqu’un de froid, étrangement intéressé par mon
existence, en opposition avec l’amour de mes grand-mères que je recevais régulièrement.
Je crois qu’à la fin de notre conversation, aimant défier l’autorité je m’étais dit que je
l’appellerais tout de même Papi Claude.
J’en discutai avec mes cousins lors du Noël suivant et bizarrement eux aussi l’appelaient
Claude, et c’était ainsi.
Mon premier voyage à Paris, je devais avoir 8 ou 9 ans. Mon père m’avait envoyé avec ma
soeur visiter Claude. C’était la première fois que nous prenions l’avion, et ce serait seuls sous le contrôle d’une hôtesse de l’air. J’aimais beaucoup ça. Alors qu’il m’avait fallu négocier longtemps pour marcher seul le chemin de l’école et ne pas être déposé en voiture, j’étais soudain responsable de ma soeur avec un sentiment de liberté nouveau. Lorsque nous arrivions chez Claude je me rendais compte qu’il habitait en fait à St Leu la Forêt et non Paris. J’aimais ça d’autant plus, moi qui n’ai jamais trop aimé la ville. Papa nous avait créé un point commun avec mon grand-père en nous inscrivant, ma soeur et moi, à des cours d’équitation, alors que la passion semblait avoir sauté une génération avec mon père. Ou peut-être que l’instruction avec Claude n’avait pas été facile pour lui, bien que Claude était professeur. Peut-être un peu comme lorsque je lui demandai de m’apprendre le bridge des années plus tard, et qu’il me donna une panoplie de 20 magazines à maîtriser avant qu’il ne m'accorde sa patience. Moi je n’ai jamais aimé lire, peut-être parce que je l’ai toujours vu un livre à la main.
Chez Claude je jubilais de cette liberté nouvelle que je venais de découvrir. Il n’aurait pas pu
mieux faire pour être populaire avec moi. Alors qu’à la maison on ne me laissait pas encore choisir mes habits du matin, lui m’avait donné une bicyclette dès mon arrivée, me montrant où était le parc et m’expliquant que la porte de l’appartement resterait ouverte et que ma seule obligation était de rentrer à l’heure du déjeuner si je voulais avoir quelque chose dans mon assiette. Au club d’Aubagne, près de Marseille, je montais régulièrement des poneys, et une fois ou deux j’avais eu droit à un double poney. J’aimais monter à cheval bien que les séances de dressage me pompaient un peu.
Claude décida de me tester avant de m’introduire dans son Club. Je devrais monter une de
ses juments pour cette session de test, les poneys ou double poneys étant réservés aux
filles. J’étais très excité à l’idée de montrer à mon grand-père ce que je savais faire; mais la
suite ne s’est pas déroulée comme je l’avais imaginé. La jument était immense, bras tendus du bout des doigts je n’atteignais même pas sa crinière. Il avait décidé que si je voulais monter je devais être capable de monter sur le cheval sans artifice. Après de multiples essais et une frustration grandissante, il accepta finalement de me faire la courte échelle. Lorsque je fus en haut j’ai pensé trop vite victoire. Moi qui n’avais jamais monté sans selle ni étriers, je me retrouvais à cru au sommet de ce géant. J’en avais presque le vertige et mes jambes n’avaient jamais été aussi écartées. Il n’a pas fallu bien longtemps pour que j’en tombe, soit déboussolé et commence à pleurer. Claude y mit fin rapidement et me demanda de me ressaisir. Il m’accorderait maintenant une selle. Ce ne fut pas facile de trouver mon équilibre sans étriers et encore plus difficile de ne pas me faire éjecter lorsque je commençais à trotter. Finalement après un moment, il me laissa utiliser les étriers. Enfin je pouvais lui montrer ce que je savais faire, j’étais fier et j’imagine que lui aussi un peu. Le reste du séjour j’en garde un véritable souvenir de bonheur. Des journées au club hippique à partager la passion de ce grand-père que j’apprenais à connaître. Le respect avec Claude n’est pas un droit héréditaire, ça se gagne et se mérite. J’ai même eu le plaisir de faire des balades en pleine nature avec lui.
Claude nous ré-invita une autre fois chez lui. Cette fois-ci tous les 3, Marine, Maxime et moi.
Papa nous emmena à Paris en voiture et resta pour dîner. Au cours du dîner, Marine et
Maxime allèrent s’amuser tous les 2 en silence dans une des chambres.
Mon père était un peu inquiet à l’idée de nous laisser tous les 3 avec Claude, nous étions
plutôt difficiles à cette époque. Je me rappelle Claude rétorquer que Jacques n’avait aucun
souci à se faire, il était la personne la plus cool qui existe.
Qu’à cela ne tienne, Marine et Maxime venaient de lui lancer un défi, dès leur arrivée.
Je m’ennuyais déjà à table et décidais d’aller voir ce que faisaient mon frère et ma soeur. A
peine arrivé dans la pièce j’explosai de rire et ne pouvais pas me retenir. C’était contagieux,
ils eclatèrent de rire eux aussi.
Je revenais à table me pissant presque dessus. Papa voyant cela commença à être
sérieusement anxieux et me pria de me calmer car mon rire m’associait à leur bêtise.
Engoissé il me gronda déjà et Claude, trouvant ça ridicule, le rassura lui disant que ce n’était
sûrement rien, et décida d’aller y jeter un oeil. En quelques secondes, ce grand sage se mit
à hurler et était maintenant rouge rubicon.
Il venait de refaire tapisser la chambre et il restait dans le placard quelques pots de colle.
Marine et Maxime, voyant les chaussures noires et marrons de Claude et pensant que la
colle était de la peinture blanche, décidèrent d’égayer le goût de ce grand-père.
Papa ne sachant plus où se mettre proposa à Claude de ramener 1 ou 2 des enfants ou
même les 3 s’il le souhaitait avec lui à Marseille. Bien que secoué Claude, fier, se reprit et
décida d’accepter ce défi qui se présentait.
Je ne me souviens pas beaucoup de ce qui s’est passé pendant ce séjour, mais Claude ne
nous ré-invita pas et l’once de respect gagné lors de la première visite s’était vite estompé.
Je considère mon père et mes oncles comme des personne fortes. Mais les quelques fois
que Claude descendit sur Marseille, on pouvait sentir son autorité. Comme un leader, il
inspirait le respect et parfois même la crainte.
Il pouvait être aussi politiquement incorrect.
Qu’on l’aimait ou pas, Claude était de ceux qui ne laissent pas indifférent.
Quelque part je pense qu’il a été béni par le Seigneur qui lui a accordé 2 femmes fortes. Ma grand-mère Paulette était pour moi un ange et parfois même peut-être un martyr.
Je voudrais que l’on prie pour Catherine qui a été une femme pleine de compassion et est
restée auprès de mon grand-père durant sa vie parisienne.
Catherine et Paulette toutes deux étaient comme des protons d’énergie positive nécessaires
pour catalyser cet électron libre qu’était Claude.
Je souhaiterais aussi que l’on prie notre Seigneur Jésus-Christ pour qu’Il donne à Claude la
grâce et la bonté dont il a manqué et qui lui seront nécessaires pour son nouveau challenge
dont, je l’espère, il sortira glorieux, accéder au paradis et à la paix éternelle.
Adieux,
Christophe
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