J’avais huit ans. Cela m’a fait murir. J’ai appris la lecture et j’y ai pris goût. Vingt mille lieux sous les mers. David Coperfield. Sans famille qui prenait une résonnance particulière…Découverte de l’univers de Tintin. Tintin au Népal, le lotus bleu et tous les autres.
Le Cher, un autre monde. Mais, finalement, avec le recul, une parenthèse enrichissante. La pêche en compagnie de Pépé sur sa barque amarrée au fond du jardin. Excellent pécheur, patient, précis et sérieux. Bien sûr, je suis tombé une fois à l’eau et il n’a pas vraiment apprécié. Il était gentil mais souriait très rarement et parlait peu. A l’inverse de Mamie, très volubile.
Les louveteaux, nous y allions avec notre cousin Philippe. Le local, les cheftaines, le foulard, le camp. La télé en noir et blanc dont c’étaient les débuts. J’adorais un feuilleton western, Roy Rogers. La peinture avec Maud qui était aux beaux arts à Bourges. Très jolie, beaucoup de sensibilité, du talent mais trop gentille et dans l’ombre de Mamie.
Mamie, très autoritaire, dynamique et optimiste, régentait la vie de la famille. Super active, elle faisait des bocaux avec tous les légumes du potager, parfaitement entretenu par Pépé qui était aussi un jardinier accompli. Elle pouvait être de mauvaise foi quand cela l’arrangeait. Mais, je dois reconnaître que chaque année, à noël, elle nous faisait de très beaux cadeaux (comme des autos-tamponneuses téléguidées que nous avions reçues en Algérie). Nous avions tous les deux des caractères forts, mais, à cette époque, j’avais 8 ans, donc j’étais forcément perdant.
Leur maison, construite par l’entreprise Albizzati, dont Gyl avait dessiné les plans à 18 ans, était superbe. Blanche, moderne, avec de grandes baies vitrées et des lignes élégantes. Elle se distinguait dans cette rue simple d’une petite ville du centre de la France. Au salon, les canapés et les fauteuils, en tissu d’un joli bleu, étaient recouverts d’une house en plastique. On ne servait pas non plus de la cuisine qui jouxtait le salon mais de celle du sous-sol. Mamie était très économe. Notre chambre était au sous-sol, à côté de la buandrie et de la chaudière. En compagnie de mes livres, je m’y sentais bien. Un grand escalier, majestueux, menait au premier aux chambres des grands parents, de Maud et de Gyl, encore célibataire. Un sol pleureur donnait sur la cuisine, le grand frère de celui que Jacques avait Cabries.
Jacques était clairement le préféré de Mamie et cette situation ne lui déplaisait pas. Sur le trajet de l’école, je portais les deux cartables. Mais je ne l’enviais certainement pas, cela m’a permis d’apprendre et d’affirmer mon caractère. Et, Gyl, mon parrain, m’aimait bien. Je mettais mes deux poing l’un contre l’autre. Il mettait les siennes au dessus comme pour casser une casse noix et il me les broyait. Je résistais tant que je pouvais. Cela le faisait rire, d’un beau rire franc, et moi aussi.
Max avait des responsabilités importantes, dirigeant l’entreprise familiale et faisant aussi de fréquents voyages à Paris. Il était aussi chef scout à un niveau important. Il aidait Maud en lui faisant faire des vitraux. C’était l’idole de Mamie. Max et Solange avait déjà leur belle maison, celle où l’on fait aujourd’hui les «cousinades», mais à ce moment, les bureaux de l’entreprise étaient derrière la maison. A la place de la partie qui a été construite dans la cour pour les fêtes, Philippe avait son atelier et bricolait déjà avec sérieux.
Tous, Pépé, Max et Gyl, roulaient en DS (pour mon grand désespoir car leur suspension me donnait mal au cœur). La famille du petit immigré italien avait pas mal réussi. Souvent le dimanche, nous allions voir des chantiers de l’entreprise. J’avais cela en horreur et je protestais comme je pouvais mais à cette époque les enfants n’avaient rien à dire.
Le dimanche, toute la famille vierzonnaise allait à la messe avec assiduité. Un héritage des origines italiennes ? Chaque soir, nous faisions notre prière, priant pour la fin de la guerre d’Algérie et la guérison de Georges. C’est à Vierzon que nous avons fait notre première communion. Même expression dans la bouche de Max et de Gyl quand ils nous ont vus devant l’église «vous êtes beaux comme des astres ! ».
Dans le centre, il y avait de vraies saisons. L’hiver était froid et le long de la route qui menait à l’école, les caniveaux étaient gelés. Nous sommes arrivés sous la neige que je n’avais jamais vue. Bonhomme de neige. Bataille de boules de neige. Cela m’a un peu consolé de quitter l’Algérie et ma famille. Au printemps, la vie se réveillait. Les fleurs, les libellules, les papillons, les lézards. Très fortes chaleurs l’été.
Les vierzonnais sont des gens de tradition. Le dimanche, ils font tous des oeux au lait qu’ils laissent refroidir à l’extérieur sur le rebord de leur fenêtre.
Vous êtes arrivés en juin, en 2 cv, moment tant attendu, mais quel choc ! votre accent pied noir à couper au couteau ! Et, puis, j’avais compris que les rapatriés n’étaient pas tout à fait les bienvenus. Longtemps, j’ai cherché à cacher cette provenance que je pensais honteuse.
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